Ordonnance du 8 février 2023 Professions libérales réglementées

L’Ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées, a été publiée au Journal Officiel du 9 février 2023.

Elle est prise en application de l’article 7 de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante qui habilite le Gouvernement à prendre des mesures par voie d’ordonnance.

Cette ordonnance, qui abroge la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 devenue difficilement applicable, a notamment pour but de regrouper en un texte unique les textes transversaux aux professions libérales réglementées, et de « clarifier, simplifier et mettre en cohérence les règles relatives aux professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé » en précisant les règles communes qui leur sont applicables et en adaptant les différents régimes juridiques leur permettant d’exercer sous forme de société . 

Elle pose la définition des professions libérales réglementées, et détermine un classement en trois catégories :

  • Les professions de santé,
  • Les professions juridiques et judiciaires,
  • Les professions techniques et du cadre de vie

Elle simplifie entre autres les démarches de transmission, facilite la mise en commun et la mutualisation des moyens, permet l’association au sein d’une société en participation de professions libérales, et autorise les sociétés libérales à se regrouper au sein de cabinets pluri-professionnels.

L’ordonnance est composée de 135 articles répartis au sein de six livres :

  • Livre Ier : Dispositions communes aux sociétés d’exercice de professions libérales réglementées (Articles. 1 à 4) ;
  • Livre II : Des sociétés civiles (Articles 5 à 39) ;
  • Livre III : Des sociétés d’exercice libéral (Articles 40 à 95) ;
  • Livre IV : Des sociétés pluriprofessionnelles d’exercice (Articles 96 à 109) ;
  • Livre V : Des sociétés de participations financières de professions libérales (Articles 110 à 128) ;
  • Livre VI : Dispositions diverses (Articles 129 à 135).

Cette ordonnance entrera en vigueur le 1er septembre 2024

L’ACTIVITE LIBERALE DE LA RECHERCHE PRIVEE EST-ELLE CONCERNEE PAR CES DISPOSITIONS ?

Il est important de rappeler encore une fois que l’activité des Agents de Recherches privées ou Détectives privés, est reconnue comme activité libérale et indépendante.

  • Quels sont les critères qui définissent les professions libérales ?

L’administration fiscale définit les professionnels libéraux comme « des personnes qui pratiquent, en toute indépendance, une science ou un art et dont l’activité intellectuelle joue le principal rôle ».

Trois règles déontologiques sont donc communes à toutes les professions libérales réglementées et permettent de garantir la protection des intérêts des parties :

  • L’indépendance
  • La responsabilité
  • Le secret professionnel

C’est d’ailleurs ce que précise l’alinéa 1 de l’article 29 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives qui donne une définition précise des professions libérales, définition reprise en quasi-totalité dans l’article 1 du Livre Premier de l’ordonnance du 8 février 2023 :

« Les professions libérales groupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité de nature généralement civile ayant pour objet d’assurer, dans l’intérêt du client ou du public, des prestations principalement intellectuelles, techniques ou de soins mises en œuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées et dans le respect de principes éthiques ou d’une déontologie professionnelle, sans préjudice des dispositions législatives applicables aux autres formes de travail indépendant ».

De même, la Directive européenne 2005/36/CE, dans son considérant n°43, précise que « la profession libérale désigne toute profession exercée sur la base de qualifications professionnelles appropriées, à titre personnel, sous sa propre responsabilité et de façon professionnellement indépendante, en offrant des services intellectuels et conceptuels dans l’intérêt du client et du public ».

L’article L. 621-1 du code de la sécurité intérieure définit, quant à lui, l’activité d’agent de recherches privées comme étant une profession libérale : « La profession libérale qui consiste à recueillir, même sans faire état de sa qualité ni révéler l’objet de sa mission, des informations ou renseignements destinés à des tiers, en vue de la défense de leurs intérêts ».

  • Les Agents de Recherches privées ou Détectives privés sont-ils des professionnels libéraux au sens des textes en la matière ?

L’activité d’enquête privée est constituée de prestations de nature intellectuelle, juridique et technique.

L’Agent de Recherches Privées ou Détective privé est un travailleur indépendant intervenant dans le cadre d’un mandat de pouvoir fondé sur les articles 1984 à 2010 du code civil et signé entre son client, partie mandante et lui-même, partie mandataire.

Les enquêtes de l’ARP ne procèdent pas du commerce de renseignements, mais entrent dans le cadre du recueil d’informations en vue de produire des preuves ou des éléments de preuves servant à la défense des intérêts des tiers qui le mandatent.

Il s’agit donc d’un besoin légitime et moral qui obéit à l’obligation pour le professionnel de mettre en œuvre les moyens dont il dispose pour atteindre le but recherché sans toutefois dépendre d’une obligation de résultat.

De même, l’ARP gère lui-même ses missions et peut décider de refuser ou d’arrêter une mission au motif que la demande ne lui semble ni légitime, ni morale, ni légale, ou qu’elle ne correspond plus au but recherché, et cela sans que puisse lui être opposé un refus de vente.

Les honoraires sont fixés de gré à gré avec le client, après acceptation de la mission par les deux parties, et signature du mandat de pouvoir.

Il ne peut y avoir aucun lien de subordination entre l’ARP et son client.

C’est pour ces raisons que le code de la sécurité intérieure prévoit un agrément pour exercer pleinement l’activité de la recherche privée (article L.622-6 du CSI)

Le rapport qui est remis au client en fin de mission est confidentiel et contient l’ensemble des faits constatés au cours de l’enquête.

En raison de la confidentialité des informations confiées par le client ou obtenues au cours de la mission, l’Agent de Recherches privées devient dépositaire de secrets au sens de l’article 226-13 du Code pénal : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

L’Article R.631-9 du Code de sécurité intérieure (Titre III – Section 1 : déontologie) soumet les Agents de Recherches privées à la confidentialité des échanges : « Sous réserve des cas prévus ou autorisés par la loi, les acteurs de la sécurité privée respectent une stricte confidentialité des informations, procédures techniques et usages dont ils ont connaissance dans le cadre de leur activité […] »

  • L’ARP exerce-t-il une profession libérale réglementée et peut-il ainsi bénéficier des dispositions de l’ordonnance du 8 février 2023 ?

Les activités libérales peuvent être réglementées ou non.

Certaines nécessitent l’obtention d’une autorisation d’exercice ou d’un agrément et peuvent être tenues de respecter des règles déontologiques strictes tout en étant soumises au contrôle de leurs instances professionnelles (Ordre, syndicat, Chambre, Conseil, etc…)

En ce qui concerne les Agents de Recherches privées, ceux-ci dépendent administrativement du CNAPS, Conseil National des Activités Privées de Sécurité, organisme public dépendant du Ministère de l’Intérieur. Mis en place en 2012, il assure des missions de contrôle et régulation des activités de sécurité privée. Il délivre agréments, autorisations et cartes professionnelles, et exerce un rôle disciplinaire.

Par ailleurs, rappelons simplement que les professions libérales sont classifiées en trois catégories et que l’UNAPL (Union Nationale des Professions Libérales) et la CNPL (Chambre Nationale des Professions Libérales) classent les Agents de Recherches privées dans la catégorie « professions techniques et du cadre de vie ».

En conclusion, l’ARP répond à l’ensemble des critères relatifs cités ici. Il exerce bien une profession libérale réglementée et doit donc bénéficier des nouvelles dispositions de l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées.

C’est d’ailleurs l’ensemble des principes énoncés plus haut que le CNSP-ARP a défendu en 2009 lors de son audition par Madame Brigitte LONGUET chargée par Monsieur Hervé NOVELLI, Secrétaire d’Etat chargé du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises, de proposer des mesures visant à améliorer la prise en compte des professions libérales.

Un état des lieux de chaque profession a été dressé dans le cadre de cette mission, et le CNSP-ARP a été le seul syndicat entendu au titre de représentant de l’activité de Recherches Privées.

Le rapport établi par la mission Longuet et remis le 21 janvier 2010 à Monsieur Hervé NOVELLI est à l’origine de la définition de la profession libérale précisée par l’alinéa 1 de l’article 29 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives, ainsi qu’aux démarches visant à améliorer les statuts et conditions d’exercice des professions libérales.

Marie-Françoise HOLLINGER

Présidente du CNSP-ARP

hollinger@cnsp.org

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