Détective privé en Belgique

La Belgique, un paradis pour les « privés » ?

La Belgique, un paradis pour les « privés » ?

Outre la réputation de ses bières, la Belgique est avant tout un État fédéral organisé en communautés et régions. Il existe donc plusieurs pouvoirs exécutifs, législatifs et parfois même plusieurs pouvoirs judiciaires. Ce qui ne l’empêche pas en pratique de se rapprocher du confédéralisme car parait-il, « l’union fait la force ». – – –

Une fois ces quelques éléments posés, qu’en est-il de la profession de détective privé ? Est-elle plus rigoureuse qu’en France ?  Quelles sont ses limites et surtout ses particularités ?

Durant plusieurs années, l’activité n’était pas réglementée. Des écoles de tous poils fleurissaient, surtout par correspondance, notamment la non moins célèbre École Internationale de Détectives Experts (EIDE), décriée par beaucoup, qui permit toutefois à bon nombre de professionnels encore en exercice, de se « familiariser avec la pratique du métier et y apprendre toutes les ficelles (…) » (1).

Depuis, la loi du 19 juillet 1991 dite loi TOBBACK, du nom de l’ancien ministre fédéral de l’Intérieur Belge, est venue « assainir la profession, en mettant fin à une série d’abus commis (…) » (2). Aussi l’apprenti détective doit-il suivre aujourd’hui, une formation diplômante sur deux ans, soit 240 heures, délivrée par l’Institut de Formation en Alternance des Petites et Moyennes Entreprises (IFAPME). Un organisme présent dans 7 villes wallonnes, qui prône un partenariat privé/public, reconnu par le Service Public Fédéral Intérieur (SPF).

À l’issue de ce parcours, une autorisation pour une durée de 5 ans est ensuite délivrée par le Ministère de l’Intérieur, après avis de la très sérieuse Sûreté de l’État et du procureur du Roi de la résidence principale du postulant et, à défaut, du ministre de la Justice. Une formalité somme toute identique à celle pratiquée en France (CNAPS), puisqu’un recyclage est également obligatoire à l’issue des cinq années d’exercice. À noter par ailleurs que chaque année ouvre droit à un prélèvement, destiné à « couvrir les frais d’administration, d’investissement et de contrôle rendus nécessaires par l’application de la loi et de ses arrêtés d’exécution ». 

Dans la pratique, qu’en est-il et surtout, combien sont-ils ? À en croire la liste arrêtée au 26 juin 2023 (3), 737 détectives belges sont aujourd’hui en activité. Environ 600 d’entre eux travaillent pour les compagnies d’assurances (4), le reste exerçant à titre libéral.

Pour ces derniers, l’activité se résume à « rechercher des personnes disparues ou des biens perdus ou volés », « recueillir des informations relatives à l’état-civil, à la conduite, à la moralité et à la solvabilité de personnes », « réunir des éléments de preuve ou constater des faits qui donnent ou peuvent donner lieu à des conflits entre personnes ou qui peuvent être utilisés pour mettre fin à des conflits », « rechercher des activités d’espionnage industriel » et enfin, « exercer toute autre activité définie par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres » (5).

Autre type de mission, somme toute nouvelle, la recherche de propriétés à l’étranger. Une mesure initiée en faveur du logement social en Flandre, où les bailleurs sont incités à faire appel à des détectives privés (6). Une pratique qui se veut économique car « la possession d’un bien immeuble constitue un critère d’exclusion du logement social ».

Des prestations variées qui, bien sûr, doivent respecter le principe de proportionnalité, le droit à l’image et être exemptes de toute forme d’atteinte à la vie privée, RGPD compris. Pas de quoi vraiment envier le système belge puisqu’au-delà de ces fondamentaux, communs à la France, trois autres grands principes viennent compléter le dispositif législatif propre à l’activité de détective privé.

L’un est issu du traitement de données à caractère personnel (7), puisque l’enquêteur privé ou son mandant, avant toute exploitation de son rapport est tenu d’avertir la personne, objet de l’enquête, afin que celle-ci puisse exercer son droit d’accès et de rectification concernant les informations qui la concernent. C’est en ce sens qu’il a été jugé qu’un rapport de détective ne pouvait être versé aux débats, au prétexte que ce dernier n’avait pas informé la personne concernée par l’enquête, avant la production de son rapport et du support sur lequel ont été enregistrées les photographies issues de la mission (8).

Le deuxième point concerne l’obligation qui échoit au professionnel de la recherche privée « d’aviser sans délai et par écrit le procureur du Roi si, dans l’accomplissement de sa mission, celui-ci acquiert la connaissance de faits qui constituent des crimes ou des délits (…) » (9).

Enfin, le troisième point relève quant à lui du principe de territorialité. En effet, lorsque le détective n’a pas de lieu d’établissement en Belgique, l’autorisation n’est accordée que si le demandeur remplit plusieurs conditions dont une qui consiste à « avoir suivi avec succès la formation prévue conformément au §1er, 4°, ou avoir bénéficié d’une formation équivalente (…) » (10). Une exigence sur laquelle veille scrupuleusement le Ministère de l’Intérieur, à tel point qu’un nommé Jacques, détective français, venu effectuer des investigations sur le sol belge, sans autorisation,  s’est vu poursuivi devant le tribunal correctionnel de Charleroi (11).

À la lueur de ces éléments, il est donc aisé de comprendre qu’en Belgique, la profession de « privé », strictement réglementée, permet certes, d’œuvrer dans plusieurs secteurs d’activités, assurances comprises. Peut-on pour autant parler d’eldorado ? Le lecteur tranchera, tant la question divise, d’autant que la crise économique touche elle aussi un pays, déjà fort impacté par sa fiscalité.

 Pascal BONNET
Agent de Recherches privées
Administrateur du CNSP-ARP
+33 660 662 501
Lui écrire

  • (1) EIDE, brochure publicitaire, pas de date postale.
  • (2) Journal Libre ECO, rubrique Economie, le 13.05.2002.
  • (3) Source : besafe.be.
  • (4) « 600 détectives des assurances», journal dhnet.be, le 3 juillet 2003.
  • (5) Article 1er, § 1er de la Loi du 19 juillet 1991.
  • (6) RTBF.be, le 21 mars 2021.
  • (7) Article 9, §2 de la loi du 8 décembre 1992.
  • (8) Cour du Travail de LIEGE, le 6 février 2015, n°F-20150206-6
  • (9) Article 16, §2 de la loi du 19 juillet 1991.
  • (10) Article 3, §2, 3° de la loi du 19 juillet 1991.
  • (11) « Un détective privé se fait pincer deux fois chez nous», lagazette.be, le 24/09/14.

 

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