Les Détectives et Enquêteurs privés dans les affaires pénales

L’affaire DSK bat son plein, les rumeurs et les informations à haute teneur dangereuse pour le présumé agresseur vont bon train, les médias s’en donnent à cœur joie, les associations féministes fourbissent leurs armes contre les machos et autres prédateurs, l’Elysée botte en touche… et les détectives français se taisent !

C’est vrai, ça : on ne trouve guère que les détectives américains déçus de ne pas avoir été requis pour défendre une affaire qui peut mener à la célébrité, pour répondre aux journalistes qui orientent leur questionnaire de manière à montrer le côté sordide d’un travail que l’opinion publique internationale juge de très mauvais goût…

C’est normal, me direz-vous, après tout, au lieu de chercher à découvrir la vérité, on s’applique à trouver le moyen de trainer dans la boue une victime présumée en lui lançant aux trousses des détectives qui, aux dires des uns et des autres, n’ont pas pour mission de découvrir la vérité, mais de lui pourrir la vie en cherchant la faute passée, celle qui va faire dire aux jurés naïfs et si parfaits, que si elle a menti une fois, elle peut mentir aujourd’hui…

Idem pour la défense des intérêts d’un « présumé innocent tant qu’il n’a pas été reconnu coupable ». Où est la recherche de la preuve ou de la présomption de preuve dans ce grand déballage médiatique de vérités, de contre vérités, de rumeurs infondés, de délations anonymes ?

Gageons qu’à force de traquer les détectives, d’exposer librement ce qu’ils sont sensés faire, ou de clamer à qui veut l’entendre qu’ils sont déjà en Guinée ou en France, qu’ils ont loué une chambre au Sofitel pour interroger le personnel de l’hôtel, chaque personne qui s’estimera concernée et en position d’être suivie ou interrogée par les limiers américains, se méfiera et s’enfermera à double tour pour échapper à la curée !

Soyons clairs, ce n’est pas en France qu’un avocat irait dévoiler à la presse que des détectives ont été embauchés pour aider un client emprisonné et qui clame son innocence. Se lancer dans de grandes envolées verbales, convaincantes ou menaçantes pour impressionner la partie adverse, c’est une chose. Mettre en péril les intérêts d’un client en caftant sur les stratégies, c’en est une autre.

Oui, vous me direz, finalement, la question ne se pose pas en France : qui irait imaginer qu’un avocat puisse mandater des détectives et lancer une enquête parallèle, au risque de discréditer les forces régaliennes ? Allons, c’est inconcevable ! Dans le système français, la défense n’a pas le loisir d’équilibrer les droits, mais quelle importance ?

D’aucuns diront que les détectives peuvent intervenir dans une telle affaire pénale. Oui… mais non… En théorie, c’est faisable, en pratique, c’est impossible actuellement. Certains ont essayé et s’en mordent encore les doigts. Nous, les détectives, nous avons encore en mémoire ce confrère qui, poussé par l’idéalisme primaire d’un avocat, a accepté il y a quelques années, le mandat de pouvoir de parents persuadés que leur fils suspecté de viol et mis en détention provisoire, était innocent. Le détective a bien fait son travail, trouvant des éléments à charge contre le plaignant et donc à décharge pour l’agresseur présumé. Au final, le détective a eu la grande surprise d’être mis en examen et inculpé de subornation de témoin. Résultat : interdiction d’exercer son activité durant quelques années. Un peu dure la justice qui se veut équitable pour chacun…

Les enquêteurs privés français n’ont pour l’instant, pas grand choix : ils ne peuvent traiter des affaires pénales qu’une fois l’instruction terminée, le dossier refermé…. Entre cinq à dix ans après les faits… avec des indices et preuves qui n’existent plus ou des témoins qui n’ont plus envie de parler ou se contredisent parce que leur mémoire leur joue des tours.

A la lueur de ces exemples, chacun a bien compris que les moyens des détectives français sont extrêmement limités. Savoir que leurs homologues américains ont accès à une base de données payante qui leur ouvre les portes d’autres fichiers contenant une mine d’or de renseignements tels que numéro sécu, comptes bancaires, adresse du permis de conduire ou assurances, ça fait rêver les professionnels français ! que de temps gagné dans une recherche de personne disparue ou dans une enquête pour escroquerie par exemple ! Si cela peut consoler les âmes chagrines : pas question de rêver, la police n’est pas mieux lotie !! L’équilibre des forces est une maigre consolation car si la protection des libertés individuelles est louable, qu’en est-il de la légitime revendication de chacun à disposer de moyens lui permettant de faire valoir ses droits ?

Pour l’instant et concrètement, quelle est la place réelle de l’enquêteur privé français dans la procédure pénale ?

Il peut intervenir de trois manières différentes :

  • En amont d’une procédure : lorsqu’il s’agit de découvrir l’auteur de faits dans des dossiers d’escroquerie, vols en entreprise, diffamation, cybercriminalité, ou dossiers d’assurance, disparition inquiétante, fugue de mineurs, etc… Il va donc intervenir avant saisine des services officiels pour rechercher les éléments de preuve d’une infraction pénale : cette action permettra au client de déposer une plainte ou de transformer une plainte contre X en plainte nominative, par exemple.
  • Après l’instruction : un non-lieu a été prononcé au bout de plusieurs années de procédure dans une affaire criminelle. La famille n’est pas satisfaite du résultat ou de l’absence de résultat, et demande à un ARP de rechercher de nouveaux éléments qui permettront de demander une révision du procès. Il peut donc « reprendre » une enquête achevée et une affaire jugée afin de tenter d’apporter une autre vision, de mener d’autres investigations complémentaires ou supplémentaires non ordonnées et/ou non exécutées lors de l’enquête pénale que celle-ci soit traitée en préliminaire (art. 77 CPP & suivants), flagrance (art. 53 CPP et suivants) ou sur commission rogatoire (art 151 CPP et suivants). La finalité étant, comme démontrée dans certaines affaires, de conduire à la réouverture des dossiers jugés ou classés et de prouver une autre vérité que celle jugée.
  • En complément des enquêtes de police ou gendarmerie : Lorsqu’une victime a le sentiment que l’enquête officielle n’avance pas ou lorsque la recherche d’une personne disparue ou d’un enfant n’apporte aucun résultat, l’ARP peut accepter d’effectuer des recherches sans nuire au bon déroulement des investigations des forces de l’ordre.

Il reste à se convaincre que la France est bien novatrice en matière de libertés individuelles et qu’ainsi tout espoir n’est pas perdu de voir un jour des détectives ou enquêteurs privés engagés par des avocats pour travailler à la manifestation de la vérité afin de défendre plus justement les droits de la défense ou d’équilibrer ceux de chaque partie.

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